• La langue de l'autre en désaccord majeur

    Communiquer avec un autre dans une langue qu'on ne maîtrise pas...

    On ressent d'abord l'urgence de dire, d'exprimer, de se frayer un chemin de sens entre ces voiles d'ignorance, pour atteindre l'autre, parcourir la distance des mots qu'on ne sait pas. Pour fusionner avec l'autre.  La joie de communiquer.
    Mais on n'est jamais à l'abri que l'expérience s'inverse. Parler semble alors mettre la chose dite à distance. Non pas pour la rapprocher de l'autre, non. La chose dite est détournée loin de nous deux, comme emportée par un vent imprévu. La parole éteint et tue la préciosité de ce que je veux livrer par les mots. Le silence des mots, comme je le comprends maintenant... Pour moi qui ai un tel respect des mots, une telle fascination pour la VIE qu'ils véhiculent... Voilà un deuil que je fais mal... d'autant que je ne suis pas sûre de comprendre : le mot est ambivalent - performatif ou non, mais qui décide ? J'ai longtemps cru que le mot était une force, un noeud d'énergie généré par une confluence de pensées, un voeu projeté devant soi. Et qu'il ferait tôt ou tard son chemin dans le coeur de celui qui l'écoute. Qui l'entend. Alors, voilà un peut-être que mon problème se déplace : la vie ou la mort des mots ne dépend ni d'eux-mêmes, ni de celui qui les emploie, mais de celui qui les reçoit. Il faut être deux pour qu'un seul parle. Sinon les voilà frappés de stérilité dès le seuil des lèvres passé, tombant cendre morne sur mon inauditeur. Je lui ai jeté un sac de verbes, bon à laisser moisir au dépotoire de l'oubli. J'ai fait du bruit. Avec toutes mes merveilles, je l'ai juste dérangé, lui que j'aime.  J'ai jeté mes mots kamikazes contre l'oreille fermée. C'est un massacre, les mots tombent criants gesticulant vaine loghorrée, et j'en ramasse les membres.  J'en serre vainement encore les cris épars contre mon sein. La musique est stridente et déçoit mon sens délicat des harmoniques.  Le bouche à bouche ne les ramènera pas d'où ils viennent, nid douillet de mon coeur.  Mais alors je ne crois plus à ces mots défigurés et voilà que, moi-même, je me soupçonne de mensonge, de rouerie.
    La fleur flétrie de mes mots fânés est parcourue jusqu'au bout de la tige verbale vainement tendue et tressaillante, la létale onde saisit  mord la racine.

    Et mon coeur blanc en éclats d'effroi.

    Les mots sont tombés en flêche zéro pointé.


    Le Mot Bulle Blanc Débile.


    Malgré un décollage avec cargaisons de secrets trésors oeillades humides et complices.

    Tout s'est perdu en vol. 


    C'est d'une violence.



    Vos parlez en pardon
    en ancien français, 你浪费话_ni langfei hua en chinois. Tu parles pour rien en français moderne, dit l'homme d'action à la femme qui parle. Dit l'homme d'action qui n'entend pas que les mots agissent aussi. Dit l'homme d'action qui voit en la parole un phénomène facile, retors -féminin en somme- dont il convient de se méfier  -comme de la femme en somme- et à ne surtout pas pratiquer. Dès fois qu'il y perdrait son membre d'homme.


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  • Commentaires

    1
    masato
    Vendredi 25 Décembre 2009 à 18:05

    Parler en langue etrangère est un vrai plaisir. Mais ça peut être aussi souvent une source d'inconciliable malentendu.
    Peur et envie d'expression se mèlent au final.
    Prendre recul par rapport à son interlocuteur en mettant une limite infranchissable pour éviter qu'on se blesse? ou tracer à la tête baissée au coeur de la turbulence abracadabrante tout en assumant des blessures? ou les deux?
    La question dont je n'ai pas encore non plus trouvé de résponse...

    Je te souhaite une bonne fin d'année.



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